Tout le monde est foot !

Publié le par yodamister

  • Voici un vieux sujet que je n'avais encore jamais partagé faute d'occasion. Aujourd'hui, je me dis pourquoi pas ?! ... N'hésitez pas pour les commentaires si vous trouvez le courage de tout lire ! Remarque, même en lisant en travers, ce post semble indigeste ;-)

 


Foot, un phénomène social ?








Coupe du Monde : le football, un phénomène social total ?

Avec le Mondial 2006 terminé il y a tout juste quelques semaines, l’engouement populaire pour le football ne se dément pas. Tour à tour présenté comme l’incarnation d’une vision du monde contemporain, d’un idéal démocratique, ou encore comme l’affirmation des identités collectives, il est en passe d’imposer ses valeurs et ses codes au monde social, politique et économique. Alors, le foot, un phénomène social total ?
Le point sur la question dans ce topic...





Le monde est foot

A l'exception de quelques rares irréductibles qui osent encore affirmer leur opposition au football (on se souvient des propos dans Le Monde, qui avaient parlé "d'opium du peuple", "d'entreprise d'abrutissement populiste" ou encore "de vecteur de désintégration sociale"), le reste de l'humanité aime le foot. Les chiffres sont là pour finir de convaincre les derniers récalcitrants : lors de la rencontre de la finale de la Coupe du Monde du 09 juillet, on compte plus de deux milliards de téléspectateurs, répartis dans 213 pays. Un tiers de l'humanité.

On est bien loin du temps où l'on regardait un match à la télévision, parce que ce soir-là, il n'y avait pas de film. Aujourd'hui, les choses ont changé. Un match, ça se prépare : on en parle, on parie sur telle ou telle équipe, une rencontre importante est l'occasion de changer de téléviseur (c'est ce que nous affirmes les grandes surfaces !), ou de se transporter au café du coin qui, pour l'occasion, retransmet le match sur grand écran, on réserve sa soirée, on se réunit en famille ou entre amis, on commande des pizzas, et, pour les plus férus, on s'habille aux couleurs de son équipe, voire, on se maquille le visage de ces mêmes couleurs.

Car le football est devenu bien plus qu'un sport populaire aux règles faciles, qui peut se pratiquer à peu de frais, sans équipement spécial, n'importe où, aussi bien dans une cour d'usine, un jardin que sur une place. Le football est devenu un "phénomène social total", pour reprendre une formule de plus en plus utilisée. A l'instar de certains sociologues qui voient dans le football la métaphore de la condition humaine, un condensé de la plupart des phénomènes de société : rapport de l'universel et du singulier, affirmations identitaires, rapport hommes-femmes, gestion des émotions...

Bien sûr, une rencontre comme la Coupe du Monde est l'occasion pour les gens de refaire du lien social (celui-là même peut-être dont on déplore la perte au quotidien), avec ses fêtes, ses chants, ses émotions collectives, ses héros nationaux... Mais en même temps, c'est un repositionnement différent de celui auquel on est habitué auquel on assiste, qui n'oppose plus les riches aux pauvres, les jeunes aux vieux, les hommes aux femmes... ; les supporters se regroupent autour d'autres valeurs : l'habileté du jeu de jambes de l'un, la rapidité ou la force de frappe de l'autre... Et le collectif des supporters réinitialisent en permanence les liens qui les unissent : jeunes, vieux, père, fils, mère, se réunissent devant leur écran. Ce n'est pas forcément le père qui initie son fils : les femmes sont les bienvenues, que ce soit par intérêt propre, ou pour accompagner et partager un moment de complicité fort. On assiste là à un collectif sans chef ni leader, où tous les membres semblent mis à égalité – l'accent étant davantage mis sur l'importance du lien ainsi créé.





Etrangement, il est un domaine, pourtant essentiel dans la réalité sociale, qui ne transparaît que très peu dès lors que l'on se situe au niveau des supporters, c'est celui de l'argent. Les supporters feignent de l'ignorer, comme si le lien social qui se constituait à l'occasion d'un match ne reposait que sur de l'émotionnel et du relationnel, loin de la sphère économique. Et pourtant, pendant les réjouissances, les affaires continuent : la France qualifiée pour jouer la finale, un spot publicitaire de trente secondes rapporte 250 000 euros, le total des investissements publicitaires s'élevant à plus de 3 milliards d'euros ; les droits télévisés et les parrainages de la Coupe du Monde en Allemagne vont rapporter à la FIFA quelque 1,172 milliard d’euros ; les transferts de joueurs, ou les paris sportifs sont devenus un véritable marché...

Mais, comme précédemment, le football repose sur un imaginaire égalitaire des supporters qui préfèrent voir dans les joueurs des héros que des esclaves modernes, que l'on "vend" au gré du "marché".

La popularité du sport est donc bien sa capacité à incarner un idéal (et non une réalité) de société. Car si le football est bien une métaphore de la condition humaine, il n'est pas la condition humaine ou le monde social, il n'en est qu'un prisme déformant, un regard subjectif et festif... (c'est joliment dit n'est-pas ? ;-))


Pourquoi les hommes sont-ils dingues de foot ?

Qu’est-ce qui saisit les hommes au moment d’un but ? Un fort sentiment d’appartenance à une espèce en voie de disparition : le mâle, guerrier, courageux, patriote et solidaire !





A l'origine était la Terre, ronde comme un ballon de football. Ce détail pourrait expliquer, en partie, pourquoi le foot est une passion planétaire, que d’aucuns jugeront envahissante, voire dévastatrice. Masculine à coup sûr. Mais passion avant tout. D’ailleurs, à ce propos, n’oublions pas que le mot passion vient du latin passio, la souffrance… En cette période d’invasion footballistique, il est bon de se demander ce que les hommes – quelques femmes aussi, déclarant parfois leur appartenance à ce sport en de bien étranges moments – peuvent bien trouver à ce sport, et comment leur conduite est influencée par ce qu’ils en savent et en perçoivent. Autrement dit, pourquoi plusieurs millions de supporters (on parle de 37 milliards de téléspectateurs – en audience cumulée – cet été pour le Mondial en France, soit deux fois plus que pour les Jeux olympiques !) se sont entassés sur les gradins ou rester scotchés devant leur poste.

En dehors des femmes : voici dessinées les limites du terrain où l’on va tout à la fois regarder et agir par joueur interposé, s’identifier à ce dernier ou le rejeter,  l’admirer, voire envier sa chance, ce qui lui confère du mérite. Pour qui s’intéresse au football, l’indifférence est le seul péché capital. Devant un match, les hommes crient, pleurent, s’agitent comme des enfants, s’embrassent, boivent…
Les fans de foot font partie d’un clan, d’un groupe. Le stade serait-il l'église des temps modernes ? Ils viennent y acclamer leurs dieux, saluer leurs idoles, prier pour leur victoire. En se battant, ou en encourageant leur équipe à se battre, ils acquièrent une identité. Ils jouent à la guerre, comme quand ils étaient petits.

A l’heure où le patriotisme est mal vu et mal vécu, le « supporterisme » constitue un « rituel de rattrapage ». Il permet à la fois de s’exprimer sans détours et avec débordements, sans souci de l’autre mais en collaboration avec lui, et il n’est nullement ponctuel : il a le droit et le devoir d’exister en dehors des rencontres. « Avant, pendant et après le match, c’est tout comme, explique Pierre. Avant, on se téléphone, on organise et on espère ; pendant, on participe ; après on défait et refait en mangeant un morceau ensemble. C’est la troisième mi-temps. » La passion des « dingues de foot » n’est jamais assouvie. Ils vivent avec intensité la fusion avec leur club, leur ville, leur région ou leur pays. Là sont leurs racines, d’origine ou recréées.

Deux autres raisons expliquent l’inégalité entre les deux sexes au regard de ce sport : tout d’abord, une moindre disponibilité de la part des femmes. Car le vrai supporter est un fidèle qui « donne de lui-même » et ne rechigne pas à la dépense en temps et en argent. Ensuite, une relation au temps différente. Le football se vit dans l’instant, voire le passé. Or, parce qu’elles donnent la vie, les femmes sont, elles, plutôt projetées vers l’avenir. Elles utilisent moins, aussi, le vocabulaire outrancier, parfois même ordurier, supposé « viril », qui est la marque du « vrai » supporter. Elles sont moins sensibles aux valeurs de force et de solidarité qui fédèrent entre eux les « footeux ».





Lors des matchs de préparation à la Coupe du monde, l’Argentine a battu le Brésil : 1 à 0 seulement, mais à Rio de Janeiro. Le lendemain, la presse de Buenos Aires titrait : « 100 000 morts à Maracana » ! Et c’est vrai que la défaite est souvent assimilée à une mort. Une image à laquelle on adhère difficilement côté femmes. Quand on donne la vie, on a peut-être une idée plus claire de ce qu’est vraiment la mort. En outre, les femmes n’ont pas la moindre possibilité de s’identifier à Zidane, Maldini ou Ronaldo. Si elles les admirent – Zidane pour sa maîtrise du ballon, Maldini pour ses yeux bleus ou Ronaldo pour son génie et l’argent qu’il gagne –, leur miroir, quand elles s’y regardent, ne leur renvoie pas l’image d’un joueur de foot.

On comprend mieux que les femmes ne soient pas des « piliers de stade ». Il en existe, cependant, qui osent déclarer leur flamme (à n'importe quel moment parfois, je l'ai déjà dit...).

« Le football condense la plupart des phénomènes de société, explique le sociologue Christian Bromberger (1). C’est un révélateur. Et cela à tous les niveaux : le problème identitaire, le rapport hommes-femmes, le statut des émotions. » Pourquoi le foot plus que d’autres sports ? « Parce que le foot est le référent universel. C’est un jeu simple, qui a une unité de lieu (contrairement au cyclisme), de temps et d’action et est pratiqué dans le monde entier. […] Il met en œuvre tous les ingrédients nécessaires d’un monde contemporain à idéal démocratique – ascension sociale (le dernier peut devenir le premier), exaltation du mérite et de la solidarité (planification collective, division du travail par poste) et rôle de la chance (le pied est moins bien innervé que la main) – et laisse libre cours à l’aléatoire. La preuve, le football est le seul sport où l’on marque contre son camp. »

 
Avis aux délaissées : 70 % des Françaises s’en moquent éperdument, et 8 % la redoutent (2). On comprendra pourquoi certaines tenteront d’échapper à tout ou partie des 64 matchs, en programmant des sorties entre copines au ciné, au théâtre, au resto… Obligée de rester à la maison, et à défaut de vouloir applaudir les buts, fixez-vous en un : apprenez une langue étrangère, initiez-vous à l’astronomie, découvrez Internet (tapez “anti-foot”, vous trouverez des pages hilarantes sur les joueurs et leurs supporters).
 

1 - Interviewé dans “Libération” le 12 mai 1998.
2 - Selon un sondage Ipsos-Galeries Lafayette réalisé en avril 1998.(Eric Pigani)



Alors, toujours pas convaincu ?  Pour ma part, je ne suis pas encore un supporter dévoué, mais toujours partant pour passer la soirée autour d’une bonne bière...







Publié dans yodamister

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